Étude paléodémograhique
En l’absence d’état civil et de registres paroissiaux, qui ne se généralisent qu’à partir du XVIe siècle, l’étude d’une population ancienne doit faire appel aux données fournies par le matériel osseux exhumé lors de fouilles de nécropoles.
La paléodémographie s’est surtout développée à partir des années cinquante. C. Masset, un de ceux qui ont le plus marqué la recherche dans ce domaine, en définit ainsi les objectifs : » reconstruire la structure de la population vivante à partir de la répartition par âge et par sexe observée dans les nécropoles à partir des vestiges osseux » (C. MASSET, 1973).
Plusieurs difficultés se présentent au paléodémographe du fait de la nature même du matériel d’étude, les os. Il n’est pas du tout évident qu’une population exhumée lors des fouilles archéologiques soit le reflet de la population vivante, ni même de la population décédée, selon les conditions de sélection à l’inhumation, de conservation dans le sol et de la fouille.
De plus, les séries ne sont pas toujours numériquement satisfaisantes pour un traitement statistique.
La démographie se fondant sur les répartitions par sexe et par âge, il est nécessaire d’arriver à déterminer ces critères sur les squelettes étudiés en s’appuyant sur des critères morphologiques et métriques.
Les enfants
Les squelettes étudiables représentent un ensemble de 404 individus répartis en 55 enfants (13,6%) et 349 adultes (86,4%). Un élément frappe tout de suite : la très faible proportion des individus non adultes. C.Y. Ascadi et J. Nemeskery (1970) ont estimé la mortalité infantile et juvénile (de 0 à 7 ans) à environ 45% pour les populations des Xe – XIIe siècles en Hongrie. Pour Goudelancourt-les-Pierrepont, où la situation ne devait pas être meilleure pendant l’époque mérovingienne, nous sommes très loin de ces 45% puisque la population non adulte représente 13,6% de la population totale.
Plusieurs explications ont été émises concernant cette lacune. D’une part, la plus grande fragilité des ossements d’enfants par rapport aux ossements d’adultes pourrait expliquer une conservation différentielle au détriment des premiers. D’autre part, les enfants, et plus particulièrement les très jeunes, auraient pu être sélectivement enterrés dans un autre endroit, peut-être en raison d’un statut social particulier. Il pouvait s’agir aussi d’une différence de profondeur de la fosse sépulcrale ; en effet, elle est moins profonde pour un enfant que pour un adulte et, compte tenu de l’érosion et des labours pratiqués dans la région, il est fort possible que plusieurs sépultures aient ainsi disparu.
Quand on regarde la courbe de mortalité des enfants, on se rend compte tout de suite qu’ils ne sont pas tous présents. En effet, d’après les données démographiques, un histogramme de population naturelle médiévale devrait présenter un maximum de décès dans la classe d’âges de 0 à 1 an. De plus, selon C. Masset, l’effectif de la classe d’âges 5-9 ans est au moins deux fois plus importante que celui de la classe d’âges 10-14 ans. Ce sont autant d’éléments qui permettent de dire qu’il manque des individus non adultes. Toutefois ce phénomène étant très fréquemment observé dans les études de nécropole, il n’est, en aucun cas, le reflet de conditions de vie exceptionnelles pour la période.
La population adulte
Elle est constituée de :
- 93 hommes, soit 23,01% de la population totale et 26,64% de la population adulte
- 81 femmes, soit 20,04% de la population totale et 23,20% de la population adulte
- 175 indéterminés, soit 43,31% de la population totale et 50,14% de la population adulte
Le rapport de masculinité, 0,53, est comparable aux résultats obtenus sur les sites de même époque où il est généralement supérieur ou égal à 0,50. Il semblerait, malgré le grand nombre d’individus de sexe indéterminé, que les hommes soient plus nombreux dans le premier que dans le deuxième noyau où les effectifs masculins et féminins s’équilibrent.
Courbes paléodémographiques et commentaires
L’estimation de l’âge au décès des adultes a été effectuée à partir de l’examen de la synostose des sutures crâniennes avec la méthode dite » des vecteurs de probabilité « , mise au point par C. Masset. Celui-ci a distingué plusieurs types de courbes de mortalité, chacun correspondant à des conditions historiques définies (population naturelle, favorisée, éprouvée, …).
Les datations archéologiques ont permis de diviser la nécropole de Goudelancourt-les-Pierrepont en quatre périodes : 520-40 / 560-70, 560-70 / 580-90, 580-90 / 620-40 et 620-40 / 680. Pour que l’étude paléodémographique puisse être comparée à d’autres monographies, nous avons les deux premières périodes.
Pour la première période de 520-40 à 580-90, l’âge modal de décès d’adulte se situe dans la classe jeunes pour les deux sexes et l’âge médian dans les classes 40-50 ans pour les hommes et les femmes. Le tracé des histogrammes évoque la courbe type correspondant à une population naturelle.
Pendant la deuxième période de 580-90 à 620-40, la population semble plus éprouvée que pendant la première. Le tracé des courbes montre chez les hommes une augmentation des décès de la première classe d’âges et chez les femmes au nivellement caractéristique des populations » éprouvées « . L’âge modal se situe dans la première classe tant pour les hommes que pour les femmes, l’âge médian dans la classe 40/50 ans pour les hommes et 50/60 pour les femmes.
On ne peut pas étudier les courbes démographiques de la troisième période (620-40 / 680) en raison du faible effectif. Les âges observés ne peuvent être le reflet de la réalité puisque 7 des 9 crânes observables ont un stade de synostose de VI ou VII.
La population de Goudelancourt-les-Pierrepont se présente donc comme ayant connu des conditions de vie précaires se détériorant entre le VIe et le VIIe siècle. Un tel constat rejoint ce qu’écrit Braudel : » Après le règne de Dagobert (629-639), la situation se gâte, un renversement progressif de la conjoncture se marque. Cette régression durera jusqu’à la fin du VIIe siècle » (F. BRAUDEL, 1986, p.100-101).
Estimateurs paléodémographiques
En 1977, J.P Bocquet-Appel et C. Masset ont proposé une méthode permettant d’estimer les données essentielles d’une table de mortalité (espérance de vie, quotients de mortalité, descendance finale par femme).
Pour palier les problèmes posés par l’estimation de l’âge au décès et leurs répercussions sur les résultats paléodémographiques (sous-estimation systématique des classes les plus âgées, trop grande marge d’incertitude pour les adultes), ils ont décidé de se fonder sur les seules informations relativement sûres apportées par les méthodes actuellement utilisées : l’effectif des adultes (il est facile pour un anthropologue de distinguer un adulte d’un enfant) et l’âge des enfants entre 5 et 14 ans (avant 5 ans, les enfants sont sous-représentés dans les nécropoles et, à partir de 14 ans, la marge d’incertitude dans la détermination de l’âge au décès est plus grande).
Selon leurs propres termes : » Au lieu de déterminer directement l’âge au décès des squelettes exhumés par les fouilles, procédé sujet à trop d’erreurs dont certaines sont inévitables, nous préférons calculer les valeurs les plus probables de l’espérance de vie à la naissance, de la mortalité infantile, de la mortalité enfantine et de la fécondité à partir du rapport de l’effectif décédé entre 5 et 14 ans sur l’effectif décédé à 20 ans et plus « .
Les auteurs ont calculé les équations (appelées » estimateurs paléodémographiques « ) entre structures réelles et observations anthropologiques.
Cette méthode des estimateurs a été précisée par C. Masset et B. Parzysz, en 1985, pour définir les risques d’erreur liés à l’effectif des nécropoles étudiées. Ils montrent, en effet, que la marge d’erreur des calculs est d’autant plus importante que l’effectif étudié est faible.
Espérance de vie à la naissance
L’espérance de vie à la naissance se situe à Goudelancourt-les-Pierrepont entre 31,70 et 38,66 ans. Autrement dit, elle est de 35,18 +- 3,38 ans. Elle est beaucoup plus élevée que celle obtenue par la même méthode à Maule, dans les Yvelines, où elle est de 27 ans +- 6 ans (E. PEYRE, 1977) et que celle obtenue pour Frénouville, dans le Calvados (29 ans), en utilisant une méthode de calcul différente (L. BUCHET, 1977). Ces calculs sont définis pour des populations stables, c’est-à-dire où le nombre de décès s’équilibre avec le nombre des naissances, conditions vraisemblables mais pas vérifiées.
Le quotient de mortalité infantile
Le quotient de mortalité infantile (0-1 an) est compris entre 0,189 et 0,213 +- 0,020. Un peu plus du quart des enfants seraient donc décédés avant la fin de la première année.
Le quotient de mortalité enfantine (entre 0 et 5 ans)
Le quotient de mortalité infantile évalue les effets des conditions d’accouchement, d’élevage et de soins pendant la première année de vie. Le quotient de mortalité enfantine y ajoute les problèmes de sevrage et la malnutrition protéocalorique. A Goudelancourt-les-Pierrepont, il est compris entre 0,261 et 0,350 soit 0,351 +- 0,089. Pour Maule (Yvelines), dans le secteur mérovingien, il est compris entre 0,328 et 0,297. Ceci revient à dire que, dans ces deux sites, sur 1000 naissances, entre un tiers et la moitié des enfants décédaient avant leur cinquième anniversaire. A Goudelancourt-les-Pierrepont, un maximum d’un tiers des enfants était touché.
La fécondité
L’étude de la fécondité moyenne par femme présente l’intérêt de donner une image positive des équilibres démographiques autrement que par le biais négatif des mortalités. J.P. Bocquet (1979) a proposé une méthode permettant d’établir le nombre moyen d’enfants par famille (y sont totalisés les enfants vivant encore à l’âge adulte et ceux qui décèdent avant).
A Goudelancourt-les-Pierrepont, la fécondité moyenne est comprise en 3,15 et 4 enfants par femme. Ceci signifie, dans tous les cas de figure et en tenant compte des variations possibles des quotients de mortalité, un solde démographique (ou un taux de reproduction) négatif ou tout du moins, étant donné que nous travaillons sur des estimations, un équilibre précaire.
Le peuplement du village
Nous pouvons tenter d’évaluer le nombre d’individus composant la population vivante de Goudelancourt-les-Pierrepont.
En additionnant le nombre de squelettes et celui des tombes vides, on obtient un total de 457 individus. A cette valeur, il faut ajouter les enfants n’ayant pas été retrouvés dans le cimetière et dont le nombre peut être estimé. D’après les tables démographiques, pour une espérance de vie de 35 ans, les non adultes composent 45% de la population.
La population de Goudelancourt-les-Pierrepont comptant 13% de non adultes, il faut donc ajouter 32% pour une espérance de vie moyenne de 35 ans.
On obtient finalement 577 sujets sur les 160 ans d’occupation du cimetière. Le village de Goudelancourt-les-Pierrepont aurait donc abrité pendant une année environ 126 habitants.
Avec une valeur moyenne n’excédant pas 4 enfants par famille à Goudelancourt-les-Pierrepont (dont deux, compte tenu des taux de mortalité, décéderont avant l’âge adulte), la famille nucléaire serait en moyenne composée de 6 personnes. Ceci donnerait alors une communauté villageoise de 21 familles environ. Il s’agit là d’une estimation moyenne sur l’ensemble du village.
On peut tenter de préciser quelque peu cette approche en séparant les deux noyaux de la nécropole et en calculant l’espérance de vie à la naissance pour le premier et pour le second noyau. Elle est comprise, pour le noyau initial, entre 31,03 ans et 39,12 ans soit environ +- 4 ans, alors qu’elle varie entre 28,97 ans et 41,86 soit environ 35 +- 6 ans pour le deuxième noyau. Nous remarquons qu’elle est sensiblement la même. Si l’on tente une reconstitution de la population, on obtient pour le premier noyau, 72 individus soit 12 familles et, pour le deuxième noyau, 38 individus soit 6 familles.
Conclusions paléodémographiques
L’étude paléodémographique de Goudelancourt-les-Pierrepont a mis en évidence dans la nécropole un manque d’enfants. En effet, un effectif s’élevant à 13,6% est largement en dessous de ce que l’on aurait dû retrouver. L’histogramme qui répartit les individus par classe d’âges ne fait que confirmer ce point.
En ce qui concerne la population des adultes, on a constaté qu’elle est proche de la courbe-type » population naturelle » proposée par C. Masset.
Les histogrammes démontrent une récession des conditions de vie à la fin du VIe siècle. Cette observation rejoint ce que rapportent d’autres sources historiques, comme les rares textes de l’époque ou encore certains polyptyques. Toutefois, avec une espérance de vie à la naissance de 35 ans, la situation du village, bien que précaire, ne devait pas être catastrophique.
Avec des groupes familiaux de cinq à six personnes, une fécondité moyenne de trois à quatre enfants par femme et une mortalité enfantine oscillant entre 260 et 350° / 8, la population de Goudelancourt-les-Pierrepont avait un taux de reproduction proche de 1 et présentait, par conséquent, une fragilité démographique évidente.
La morphologie des habitants
Par souci de comparaison entre la population de Goudelancourt-les-Pierrepont et d’autres populations, cinq variables morphologiques représentées dans un nombre suffisant de cas pour faire l’objet d’une étude comparative ont été retenues :
– la longueur maximum (1)
– la largeur maximum (8)
– la largeur frontale maximum (9)
– la hauteur du porion (20)
– l’indice crânien horizontal (8/1)
L’extrême dégradation osseuse n’a pas permis d’en retenir plus. Pour tester l’homogénéité d’une population, il existe plusieurs tests dont celui de Howells revu par Thoma (1985). Il consiste à comparer les écart-types de cette population avec ceux de la population mondiale d’Homo Sapiens Sapiens.
Tableau des écart-types des individus de Goudelancourt-les-Pierrepont | ||
hommes | femmes | |
1 | 6,43 | 11,92 |
8 | 5,73 | 10,49 |
9 | 3,95 | 4,72 |
20 | 8,86 | 5,96 |
8/1 | 3,23 | 4,00 |
Tableau des écart-types des individus d’ Homo Sapiens Sapiens | ||
hommes | femmes | |
1 | 6,081 | 5,57 |
8 | 5,071 | 4,61 |
9 | 4,161 | 5,63 |
20 | 4,24 | 3,94 |
8/1 | 3,22 | 2,84 |
On remarque que les écart-types de Goudelancourt-les-Pierrepont sont pratiquement tous supérieurs à ceux donnés par Howells. L’écart est moins important pour les hommes que pour les femmes.
En considérant les mesures crâniennes, masculines et féminines, on peut identifier deux types morphologiques d’individus qui se distinguent par leur format. Si on localise ces deux types sur un plan de la nécropole, on constate, pour le premier noyau, que les individus de » grand format » sont relativement groupés dans la même zone et qu’ils sont, au contraire, relativement éparpillés pour le deuxième noyau.
Quant à leur situation chronologique, on peut noter que ces individus sont tous répartis dans une période comprise entre 560-70 et 620-40, et qu’aucun individu n’appartient à la période 620-40/680.
Ceci semble accréditer l’existence de deux groupes distincts. Cependant, les effectifs étant faibles, il faut être prudent quant à l’interprétation de ces données et à une nouvelle extrapolation. Pour la même raison, il n’est pas possible de comparer statistiquement ces deux groupes morphologiquement distincts.
Étude paléopathologique
La répartition des pathologies en grands groupes nosologiques est artificielle mais réalisée dans un but pratique. Les dents étant les éléments les mieux conservés du site, ceci explique que les effectifs étudiés soient plus importants que dans l’étude paléodémographique ou celle des pathologies osseuses crâniennes et post-crâniennes.
Les pathologies dentaires
L’usure des dents
L’usure est, avant tout, un phénomène dégénératif lié au vieillissement. Cent quatre-vingt-trois individus, soit 42,3% de la population totale, présentent des dents usées. Le degré d’usure est compris entre les stades 1 et 4 de l’échelle de Perrier (1969).
Pour les hommes les stades d’usure 2 et 3 sont plus fréquents, suivis des stades 1 puis 4. Le stade d’usure le plus fréquent pour les femmes est le stade 2 puis viennent les stades1, 3 et 4. L’effectif, pour le stade 4, est le plus faible.
Toutefois il ne faut pas oublier que les effectifs ne sont pas les mêmes pour les deux sexes et que le nombre d’individus de sexe indéterminé est considérable. Si l’on exclut ces individus, en nombre important, le stade 1 représente alors le pourcentage le plus élevé.
Dans tous les cas le stade 4 reste le moins représenté aussi bien pour les hommes que pour les femmes et pour les individus de sexe indéterminé. Une anomalie de l’articulé dentaire provoque chez certains une dissymétrie de l’usure dentaire entre le côté gauche et le côté droit.
Si l’on met en relation les âges et le stade d’usure, nous constatons que les sujets âgés ont une usure plus importante que les jeunes, ce qui est normal puisqu’il s’agit d’un caractère dégénératif. De même, l’usure étant fonction de l’âge d’apparition de la dent, les canines et les prémolaires sont moins usées que les premières et deuxièmes molaires. L’usure de la troisième molaire est variable, en fonction de son développement.
L’usure est influencée, outre l’âge, par plusieurs facteurs comme une malposition linguale, une déformation de la mandibule ou un mauvais articulé dentaire.
Si l’on fait corréler ces observations avec la chronologie du site, on constate que les atteintes les moins nombreuses appartiennent à la période initiale. Pour les deux premières périodes, le stade 2 est le plus fréquent. Compte tenu du faible effectif de la troisième période, on doit se garder de tout commentaire.
Le tartre
Deux cent vingt-deux individus, soit 54,95% de la population totale, présentent un dépôt de tartre. Toutefois un grand nombre d’individus ne porte que quelques traces sur la face linguale ou vestibulaire, aucun individu n’ayant plus de la moitié de la dent couverte de tartre. 9,90% des individus ont près d’un tiers à la moitié de la dent atteinte.
Le tartre comme l’usure, augmente avec l’âge. Le système de cotation montre qu’une dent usée a souvent un stade de dépôt de tartre élevé (degré 2 ou 3). Le tartre ne touche pas les mêmes individus que l’usure. Quelques adultes de moins de 30 ans présentent un dépôt de tartre volumineux sur les incisives et les canines inférieures.
Les kystes radiculo-dentaires
Les kystes se caractérisent par un orifice de fistulation (communication donnant passage à un liquide pathologique). La paroi sinusienne du maxillaire peut également présenter un bombement dans le cas d’atteinte(s) maxillaire(s).
Seuls sont pris en compte les kystes radiculo-dentaires au stade de déformation ou d’extériorisation. Pour ceux qui ne sont pas encore visibles sur la surface de l’os, il a été nécessaire de faire un cliché radiologique.
La partie du maxillaire où se situe la tubérosité fait l’objet d’une réaction périostée importante, active, ponctuée de fins orifices dont certains communiquent avec la partie interne du sinus. La réaction est poursuivie sur le vivant jusqu’à la partie postérieure du processus pyramidal (détruite avec l’os sec). Ceci traduit une infection périostée maximale à mettre en relation avec la sinusite et le kyste apical.
Il est parfois possible d’établir un lien direct entre l’injection et la mort du sujet. Le foyer infectieux a pu être le point de départ d’une septicémie ou d’infections à localisation cérébrale, urinaire ou digestive.
Les hommes présentant des kystes sont au nombre de 6, soit 6,45% de la population masculine totale. Il est intéressant de noter qu’un seul se situe dans la première période, trois autres appartiennent à la deuxième période, les deux individus restants n’ont pu être datés.
Huit femmes présentent des kystes, soit 9,87% de la population féminine totale. Deux appartiennent à la première période, une à la seconde et une à la troisième. Pour les autres, il n’y a pas de datation de sépultures.
L’enfant de la sépulture 346 bis présente ce type de lésion. Il est le seul dans la population non adulte. Son âge dentaire a été estimé à 6 ans. Une telle infection peut survenir lors de la pousse des dents permanentes. Un phénomène physico-chimique entraîne alors la destruction de la racine de la dent de lait provoquant une altération de la dent définitive.
Les lésions carieuses
Une multitude de facteurs tels que l’alimentation, la plaque dentaire, les maladies du parodonte et de nombreux autres, qui ne sont pas tous élucidés, peuvent intervenir dans la genèse des lésions carieuses. Soixante-quatre individus, soit 15,84% de la population totale, présentent ce type de lésion à Goudelancourt-les-Pierrepont.
Dix-huit individus masculins, soit 28,13% de la population atteinte, ont des caries. Neuf hommes, soit 50%, se situent dans la première période, alors qu’un seul individu appartient à la deuxième, soit 5,55%. La troisième période se caractérise par l’absence de tout individu présentant des lésions carieuses. Quelques individus ne sont pas datés.
Seize individus féminins, soit 25% de la population atteinte, présentent des lésions carieuses. Ils sont ainsi répartis :
- 6 appartiennent à la première période, soit 37,5% de la population féminine atteinte
- 1 à la deuxième période, soit 6,25% de la population féminine atteinte
- 1 à la troisième période, soit 6,25% de la population féminine atteinte
- Les autres individus ne sont pas datés.
Au vu de ces résultats, la fréquence de la carie semblerait régresser entre la première et la seconde période.
Perte ante mortem des dents
On peut parler de chute de dents ante mortem lorsque la résorption alvéolaire est totale. Dans ce cas, les dents sont tombées, ou ont été arrachées, suffisamment longtemps avant la mort pour que le phénomène de cicatrisation ait lieu.
Les premières molaires inférieures et supérieures ont le taux de perte ante mortem le plus élevé, suivies des troisièmes molaires (traduction de l’ordre d’éruption dentaire et donc de la durée d’exposition de la dent aux agressions).
Soixante-huit individus, soit 16,83% de la population totale, présentent une perte ante mortem des dents. Ils ont perdu de une à plusieurs dents, le cas extrême étant l’individu de la sépulture 362 dont la mandibule est complètement édentée. La résorption alvéolaire est totale, ce qui confirme la chute, ou l’arrachage, des dents assez longtemps avant la mort. Bien que nous n’ayons pas pu l’identifier sexuellement, le degré de synostose des sutures crâniennes le situe comme un individu âgé (stade VII).
Si l’âge peut être une raison de la chute ante mortem des dents, d’autres causes peuvent être évoquées (chute de dents cariées, manque d’hygiène).
Les « indicateurs de stress crâniens »
L’étude des populations anciennes est orientée vers la recherche des interactions entre l’homme et le milieu. Le niveau socio-économique de chaque société est appréhendé à partir de données archéologiques. L’étude anthropologique apporte son lot d’informations grâce à l’examen des marqueurs révélant les problèmes rencontrés pendant la croissance.
Plusieurs marqueurs osseux sont considérés comme plus ou moins liés à l’état sanitaire et à des carences alimentaires pendant la croissance. Les manifestations varient en fonction des propositions relatives des carences en protéines, mais aussi en fonction des déficits conjugués en vitamines et sels minéraux, des conditions socio-économiques et des habitudes d’allaitement. Les caractéristiques cliniques et biochimiques varient également selon la situation hormonale des individus en cours de croissance.
Les carences agissent sur l’ontogenèse et l’intégrité de nombreux mécanismes à des degrés différents. Elles accroissent la vulnérabilité de l’organisme aux divers agents pathogènes. Le maintien de l’homéostasie permet la lutte contre des affections épisodiques. Le dépassement des facteurs de résistance habituelle provoque une affection initiale appelée » stress « .
Seule une adaptation suffisante évite le développement d’un état pathologique ou d’une maladie. Le » stress » est responsable d’effets indirects sur les éléments en cours de croissance dont ils troublent le développement.
La différenciation est faite entre sujets en cours de croissance et ceux chez qui elle est terminée. L’interprétation globale de l’état sanitaire prend également en compte les données démographiques. Les indicateurs non spécifiques de stress sont considérés comme l’expression de perturbations physiologiques passagères dues à une défaillance dans l’équilibre de l’environnement. C’est davantage le reflet de l’individu que celui du nombre d’atteintes cliniques ou sub-cliniques subies.
Les cas de cribra orbitalia
L’hyperostose poreuse se manifeste dans l’os de la voûte du crâne par un développement du diploë. Cela se traduit, sur les bosses pariétales et occipitales, par un aspect » criblé » de l’os mais, en cas d’atteinte sévère, il est remplacé par un » aspect mousseux « . En radiographie, c’est le classique aspect en » poil de brosse « . Les atteintes localisées sur le toit de l’orbite sont nommées cribra orbitalia.
Elles sont rapportées généralement à des carences en fer et, quelquefois, à des anémies génétiques. Sur le vivant, l’hyperplasie de la moelle commencerait sur le frontal, l’orbite puis s’étendrait aux pariétaux et à l’occipital ainsi qu’aux os longs et aux côtes. Récemment, on a attribué à l’état général, en cas de maladie infectieuse, un rôle aussi important que celui de la nutrition (STUART-MAC ADAM, 1992).
Etant donné le mauvais état de conservation des os, seule la présence ou non de cette pathologie a été notée. Il n’y a que 19 individus qui présentent une porosité de la voûte orbitaire. Cela fait 4,70% de la population totale, répartis de la façon suivante par rapport à la population atteinte :
- 6 individus pour la première période (31,5%)
- 2 individus pour la deuxième période (10,52%)
- 1 individu pour la troisième période (5,26%)
- 10 individus non datés.
Il semblerait, avec toutes les réserves dues à l’effectif, que ce soit la première période qui représente le pourcentage le plus élevé.
Hypoplasies linéaires de l’émail dentaire
L’hypoplasie est une anomalie quantitative de l’émail dentaire, signant des atteintes systémiques ou locales lors de formation de la dent.
La formation de l’émail intervient dès le sixième mois in utero (premières dents déciduales). Son développement s’effectue sous le contrôle des améloblastes qui se déplacent en formant une matrice protéinique, progressivement remplacée par des cristaux d’apathite dont les arrangements donnent des prismes d’émail.
Toute atteinte durant quelques semaines à deux mois produit une dégénérescence des améloblastes suivie d’un arrêt de formation de l’émail à l’origine d’une diminution de son épaisseur. Le » stress » concerne soit l’ensemble des couronnes en formation, soit une seule ou quelques-unes. Entre la naissance et 3 ans, les incisives sont les plus sensibles ; entre 3 et 6 ans, ce sont les canines.
Il existe une corrélation entre le nombre de dents atteintes et le degré de » stress » mais on ne connaît pas le rapport entre le degré de stress et la localisation des hypoplasies. Les maladies longues et affaiblissantes sont à l’origine d’hypoplasies importantes.
Neuf individus, soit 29,03%, présentent des lignes d’hypoplasie dans la première période, cinq dans la deuxième, soit 16,12% et trois, soit 9,67% dans la troisième.
Seuls quatre enfants présentent cet » indicateur de stress épisodique « , soit 12,90% de la population atteinte. Un appartient à la première période et un autre à la seconde. Les deux derniers individus ne sont pas datés.
Là aussi, il semblerait que les effectifs les plus importants d’hypoplasie de l’émail dentaire concernent la première période. Cela peut être dû, comme dans le cas de cribra orbitalia, au faible effectif. Nous ne pouvons pas, pour autant, parler de conditions de vie spécifiques à cette période.
Les anomalies crâniennes
Le métopisme
Il peut être défini comme la persistance anormale à l’âge adulte de la suture médio-frontale. En effet, la formation de l’os frontal se fait par fusion de deux parties symétriques unies par une autre médiane. La soudure se fait de haut en bas, entre 3 et 7 ans. Il est des cas où cette persistance est pathologique et s’accompagne d’un trouble de l’ossification mais elle peut apparaître chez des sujets ne présentant aucun trouble de cet ordre.
La question est de savoir quelles peuvent être les causes du métopisme. Les nombreux travaux présentés à ce sujet peuvent se ramener à deux thèses principales : une raison due à un mécanisme interne, une autre due à un mécanisme externe, sans oublier les causes génétiques comme la consanguinité.
Selon l’hypothèse d’un mécanisme interne, c’est sous l’influence du cerveau qu’il y a persistance anormale de la croissance des bords internes de chaque hémi-frontal entraînant une persistance de la suture métopique.
Selon l’hypothèse d’un mécanisme externe, un rôle important des muscles masticateurs, notamment les temporaux, empêcherait, par leur pression centripède, la fermeture de la suture métopique.
Par ailleurs E. Crubézy a noté que la répartition de sujets métopiques dans les sépultures collectives a permis d’identifier des groupements familiaux. Celui-ci est le plus fréquent dans les sociétés où le mariage est endogame, il y a donc bien une cause génétique à ce phénomène. Qui plus est, il est apparu que le métopisme serait corrélé à l’apparition des cas de cribra orbitalia, et des » hypothèses poreuses « . En clinique, le métopisme est fréquemment associé à des carences en fer de l’enfance sans qu’une participation génétique ne puisse être déterminée précisément. Il n’en reste pas moins que sa présence paraît être liée, en grande partie, aux anémies du jeune âge.
On a relevé la présence de 18 individus métopiques, soit 4,45% de la population totale :
- les hommes sont au nombre de six soit 33,33%
- les femmes sont au nombre de huit soit 44,44%
- les individus de sexe indéterminé sont au nombre de trois soit 16,66%
- il n’y a qu’un seul enfant.
Si l’on effectue une répartition par période, on obtient 6 individus, soit 33,33% de la population métopique, pour la première période, 4 individus, soit 22,22% de la population métopique, pour la seconde période et un individu, soit 35,55% de la population métopique, pour la troisième période.
Les os surnuméraires de sutures
Certains auteurs parlent de carences alimentaires pour évoquer les os surnuméraires et les sutures métopiques. Bien que la malnutrition provoque un retard de la croissance des enfants, il n’est pas démontré qu’elle provoque des anomalies suturales.
On observe des os surnuméraires sur la suture lambdoïde d’un homme âgé (stade VII) dans la sépulture 34 datée de la première moitié de la période initiale (520-40 / 560-70).
Les thérapies
On connaît pour le haut Moyen Age quelques exemples de pratiques thérapeutiques. Nous savons ainsi que le savoir médical de l’époque était une réalité et que les médecins ne s’en tenaient pas à une médecine verbale et incantatoire.
Parmi les pratiques thérapeutiques la plus spectaculaire est la trépanation. Bien qu’il y ait de nombreuses controverses quant à leur finalité, les trépanations avaient, sans aucun doute, une fonction salvatrice ou de soulagement pour l’individu. L’examen des trépanations permet de connaître les techniques utilisées par les praticiens de l’époque.
La technique la plus fréquente des trépanations est celle qui consiste à attaquer l’os de façon concentrique par plusieurs incisions et se termine par l’ablation de la partie circonscrite. S’il n’y a pas eu de cicatrisation du diploë, soit l’intervention a entraîné la mort du patient, soit elle a eu lieu post mortem. Seul l’examen des traces de sciage permet de choisir entre les deux hypothèses. La plupart des trépanations suivies de guérison se situent dans la zone pariétale où la dure-mère est décollable de la boite crânienne.
Dans le cas de Goudelancourt-les-Pierrepont, l’orifice est ovale et les bords en entonnoir révèlent une cicatrisation qui s’étend du frontal à l’occipital gauche.
Les pathologies post-crâniennes
L’individu 214 A présente une fracture du fémur gauche consolidée mais non réduite (réduction : remise en position anatomique des fragments isolés par la fracture). Cela a provoqué un chevauchement des deux morceaux de l’os lors de la formation du cal osseux (cal en baïonnette) qui a entraîné une diminution importante de la longueur de l’os (environ 8 cm) et, en conséquence, une boiterie marquée chez cet individu. L’aspect irrégulier du cal suggère que le foyer de fracture n’a pas été bien immobilisé pendant la cicatrisation.
L’homme de la sépulture 250 présente plusieurs traumatismes. Il s’agit d’une fracture consolidée du fémur droit, avec diminution de 8 cm en longueur (voir n° 214A) et de fractures multiples des deux avant-bras consolidées également. Il est impossible de savoir si ces fractures ont été faites lors du même accident.
L’humérus gauche de l’individu 255 (fig 20) présente une fracture consolidée avec une légère déviation de l’axe de l’os. Le cal régulier laisse supposer la pose d’attelles destinées à immobiliser le foyer de fracture pendant la cicatrisation.
Le tibia droit de l’individu 299 (fig 21) présente une excroissance osseuse sur la crête antérieure, due probablement à un choc ayant entraîné un hématome sous-périosté qui s’est ossifié.