Lors des fouilles du premier secteur d’habitat découvert sur le site de Goudelancourt, de 1988 à 1992, une maison mérovingienne datable de la fin du VIe s et du VIIe s. a été mise au jour et fouillée (cf : «L’habitat mérovingien de Goudelancourt-lès-Pierrepont » dans Revue Archéologique de Picardie, n°1-2, 1994).
Outre le plan parfaitement clair d’un bâtiment à ossature de poteaux de bois, de 8,50m de long et 6m de large, l’intérêt de la fouille a été de mettre au jour, dans l’angle S-W de cette construction, un âtre, c’est à dire un foyer adossé à un mur et ici encadré de deux poteaux.
La découverte d’un foyer, qui plus est d’un âtre, dans une construction de l’époque mérovingienne est exceptionnelle. Les constructions ayant livré un foyer sont en effet très rares et la présence d’un âtre n’avait pas été révélée jusqu’à présent avant le Xe siècle (1). L’exemple de Goudelancourt était donc unique et bien sûr sujet à caution. 15 ans après, cet âtre de Goudelancourt, reste toujours sujet à caution et suscite la méfiance dans le petit monde de l’archéologie mérovingienne. Nous le savons et attendons avec impatience une autre découverte similaire…
En 1992-1993, lors de la reconstitution grandeur nature, de cette maison mérovingienne à Marle, nous avions souhaité proposer une reconstitution de ce conduit d’évacuation des fumées (et des flammèches). Ce conduit d’évacuation était pour nous une évidence et une nécessité afin de ne pas mettre le feu à la toiture du bâtiment. La proposition de l’époque avait tout à fait l’aspect d’un conduit de cheminée » moderne « , » actuel « , beaucoup trop d’ailleurs selon notre goût… Ce conduit fonctionnait parfaitement et le tirage était excellent.
Pourtant, gros problème en cas de forte pluie ou de pluies continues, l’eau, malgré un système sommaire de gouttière en bois, à la jonction du chaume et du conduit, à l’arrière de celui-ci, côté toit, l’eau pénétrait dans la construction, dans le torchis qui l’hiver gonflait et se désagrégeait… En 10 ans, il avait fallu le restaurer à plusieurs reprises.
L’hypothèse d’un tel conduit était donc loin de nous satisfaire.
Il nous a fallu attendre 2005 pour profiter de la présence d’une équipe de chaumiers professionnels (lors de la construction du nouveau parc archéologique) pour reprendre totalement ce conduit d’évacuation et proposer une nouvelle version qui, techniquement, ne posait aucun problème. Cette modification a été réalisée en à peine deux journées de travail.
Comme on le constate sur les dessins de restitution et les photographies jointes, l’ouverture nécessaire à l’évacuation des fumées a été directement aménagée dans la toiture. Les deux poteaux, inclus dans le mur sud, n’ont pas été modifiés et servent de support à la charpente. Le roseau a été protégé des flammèches, malgré la hauteur, par un enduit de torchis sur lattis. Tout risque d’incendie est donc ici écarté.
A l’intérieur, l’ossature de la » cheminée » existante a été détruite. Le foyer reste un âtre appuyé le long du mur mais sans conduit d ‘évacuation proprement dit. La fumée, aspirée par l’ouverture du trou au dessus, s’évacue…moins bien qu’avec le conduit-cheminée précédent mais, cette fois, nous sommes certainement beaucoup plus proche de la réalité historique et archéologique que précédemment.
CQFD
(1) : A titre de comparaison, le musée de Vieux la Romaine, près de Caen, dans le Calvados, propose une reconstitution grandeur nature d’un foyer adossé au pignon d’un bâtiment découvert à Mondeville et daté du IX-Xe s. L’âtre reconstitué est comparable à celui découvert à Goudelancourt exception faite du foyer proprement dit constitué de lauzes et d’une évacuation des fumées qui se faisait par les évents de toit des pignons.